Périégèses

(tours de mondes) Saison 2

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NB : Un lieu peut être un site naturel, une ville, un quartier, un musée, un bar...

Périégèses : Saison 2 - épisode 4 : OUZBÉKISTAN
(Khiva, Nukus, Mer d'Aral, Elliq-Qala, Boukhara,
Samarcande, Tachkent, Vallée de Fergana)

Catégorie voyage Khiva

(Billet du 30/06/2015) :

La frontière étant fermée à Kounia Urgench, la route nous a conduit directement de Dashoguz à Urganch, puis à Khiva.
Nous changeons de pays, mais pas de province, puisque nous sommes toujours dans le Khorezm antique, sur la rive gauche de l'Amou Daria. Premier contact avec le réseau routier ouzbèque, que tout le monde nous avait promis épouvantable et qui est effectivement dans un état lamentable.

Après ces premiers kilomètres éprouvants, l'arrivée à Khiva ne laisse pas indifférent :
"Mais c'est encore plus beau qu'en Iran !"
Une heure avant le coucher du soleil, la muraille de la vieille ville prend une couleur sable qui lui donne tout son caractère de forteresse du désert. Nous installons Tirésias face à la porte Ouest et regardons le tableau se nuancer et s’obscurcir lentement jusqu’au crépuscule. Avec les minarets et les dômes turquoise qui se détachent sur le fond du ciel encore bleu, cette palette est sans aucun doute un sujet de choix pour les vrais photographes et les peintres.
Les jours suivants, nous ne bougerons guère de notre place, d'où nous avons la plus belle vue extérieure en fin de journée et aussi, l'accès le plus facile au centre historique.

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Pendant des siècles, Khiva a été une étape importante sur une des routes de la soie, et aussi, plus tristement, une plaque tournante du commerce des esclaves et le fief de quelques potentats sanguinaires. Au pied de cette haute barrière crénelée, le voyageur moderne essaie alors de se mettre à la place du caravanier parvenant ici après des semaines de marche dans la monotonie de la steppe, et subitement partagé entre le soulagement, l'émerveillement et la crainte du sort qui l'attend une fois la porte franchie.
Hélas ! l'"Ichan Qala" d'aujourd'hui ressemble fort à ce qu'on appelle une ville musée. Entrée payante à toutes les portes (avec tickets supplémentaires pour l'accès à certains monuments), boutiques pour touristes le long des rues proprettes et aseptisées, et aucune autre activité apparente que celle des cafés restaurants et la vente de bibelots, cartes postales, tissus traditionnels etc. Manifestement, la vraie vie est désormais dans les quartiers périphériques.

Pourtant, on ne peut rester insensible à la beauté de l'ensemble et à la majesté de certains édifices. Parmi ceux-ci, le minaret Kalta Minor, énorme cylindre de céramique dont la forme n'a rien pour séduire mais dont la disproportion même suscite l'intérêt. Ce gros tube trapu, qui dépasse de loin en hauteur les murs de la ville, est au delà du laid et du beau. Il est aussi "héneaurme" que l'orgueil démesuré du Khan qui en décréta la construction afin de pouvoir apercevoir de son sommet la cité rivale de Boukhara (à 450 kms tout de même), et qui n'en vit bien sûr jamais l'achèvement. Ses successeurs laissèrent le projet à l'état de tronçon (Kalta), tel qu'on le voit de nos jours.
Outre sa forteresse (Ark), Khiva compte aussi des dizaines de medersas, mausolées et palais, édifiés pour la plupart entre le XVIIème et le XIXème siècle. Parmi toutes ces "merveilles", toutes classées au patrimoine mondial, la plus impressionnante par ses dimensions et la richesse de sa décoration est le palais Tosh Hovli, mais nous lui avons préféré la mosquée du Vendredi (Jouma), pour son ensemble de colonnes en bois (plus de 200). Ces colonnes sculptées, minces au pied et évasées en leur milieu, sont très élégantes. Nous en trouverons d'autres un peu partout et elles restent pour nous le symbole du Kharezm et de la Sogdiane.



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En se promenant dans les rues, un peu à l'écart des sites principaux, surtout en fin de journée, on trouve malgré tout une vie extra touristique, comme ces femmes qui discutent sur le pas de leur porte ou ces enfants qui jouent au ballon. Quel terrain de jeu fantastique que cette ville sans voiture! Et puis, on peut aussi dénicher de vrais artisans. Parmi eux, les frères Jumaniosov perpétuent une tradition familiale d'ébénisterie. Leur atelier exporte en Europe et en Amérique des meubles, des colonnes, des lits, des portes monumentales, le tout finement ouvragé. Ils fabriquent aussi de curieux lutrins modulables, taillés dans un seul bloc de bois parallélépipédique, que l'on peut déplier, selon le volume de départ, en quatre, six ou huit positions, adaptées à la taille de différents ouvrages.

En montant au minaret de la mosquée Jouma, je suis étonné du comportement des couples d'amoureux. Dans l'étroit escalier en colimaçon, j'en croise plusieurs. Ils sont installés sur les marches debout, silencieux. Apparemment, ils ne font rien, ne se touchent pas, ne se parlent pas. Je pense d'abord que le bruit de mes pas a pu interrompre des échanges plus intimes, mais il semble que non. Parvenu au sommet, j'en trouve trois autres appuyés contre le mur.
Ils ont la même attitude, plus que timide, inquiète, presque coupable. Qui sont-ils ? Probablement des fiancés qui viennent échanger des serments en des lieux destinés à les recevoir. Mais pourquoi cette réserve, et, surtout, cette absence de gaieté ? Nous assisterons à plusieurs duos silencieux de ce genre, plus tard dans la rue. Ils se regardent à peine, ne sourient jamais, détournent le regard et baissent la tête à notre approche.
Curieuse impression que donnent ces amants sans joie. Mais il est vrai que nous avons tout à découvrir.

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Khiva est notre premier vrai contact avec l’Ouzbékistan. C'est ici que nous avons acheté une assurance obligatoire mais bidon, feuille de papier aussi dérisoire que le prix auquel nous l'avons payée, mangé notre premier "plov" dans une "tchaikana" brûlé nos doigts aux premiers "samsa" achetés en bord de route, bu notre premier "morç" tiré au tonnelet, et lampé nos premières gorgées de bière fraîche en terrasse.
C'est aussi à Khiva que nous faisons l'apprentissage des nécessaires combines et petits arrangements avec des règlements absurdes.
En Ouzbekistan, les voyageurs sont censés s’enregistrer toutes les nuits auprès de l'OVIR, organisme hérité de l'époque soviétique. Cette pratique tombée en désuétude dans les autres anciennes républiques, y compris en Russie, est toujours en vigueur ici, selon des règles assez floues. Pour éviter une possible grosse amende et même une expulsion, il est donc recommandé au voyageur qui, comme nous, ne dort pas à l'hôtel, d'acheter la complaisance d'un hôtelier. C'est tout bénéfice pour ce dernier qui ne craint pas de vous demander trente euros pour un bout de papier attestant que vous avez bien résidé dans une chambre que vous n'avez pas occupé.
Par ailleurs, le marché noir est incontournable.
Il faut en passer par là, comme en temps de guerre ou de pénurie, pour se procurer du gazole, car on n'en trouve pas dans les stations service. On doit donc se ravitailler au bidon auprès de vendeurs clandestins qui, de leur côté, peuvent s'en procurer. Le risque est de tomber sur du carburant de très mauvaise qualité et de nuire gravement à la santé de son véhicule, mais le moyen de faire autrement, quand tous les pompistes vous répondent invariablement " Dizel Niet !" ?
C'est aussi au marché noir qu'il vaut mieux changer son argent, car le cours officiel est ridiculement bas. Nous voici maintenant aux portes d'un bazar à compter et recompter des liasses de billets. En effet la plus grosse coupure (5000 soms) équivaut à un peu plus d'un euro et la plus répandue est celle de 1000 soums, soit 25 centimes environ. Transformer 100 euros en près de 500.000 soums équivaut donc à échanger deux billets contre plusieurs liasses. Si les Ouzbèques sont passés maîtres dans l'art du comptage rapide entre pouce et index, les maladroits que nous sommes mettent de longues minutes à feuilleter des paquets épais chacun comme un gros livre.

Toutes ces pratiques sont, bien entendu, officiellement interdites mais les changeurs au noir ne se cachent pas et, pour se procurer du carburant en cas d’extrême nécessité, on peut, paraît-il, s'adresser à la maréchaussée en demandant "dizel private" ou même "dizel black market".
Nous n'en avons pas eu besoin et c'est lestés d'un sac de billets et d'un plein de gazole garanti "top" par notre intermédiaire que nous prenons la route de Nukus, en direction du musée Savitski et de ce qui reste de la mer d'Aral.

Michel

Catégorie voyage Nukus

(Billet du 05/07//2015) :

Promptement programmé, nous avons suivi notre OsmAnd sur une route infernale, à peine asphaltée avant de nous apercevoir de l'erreur de guidage. Gros énervement dans l'habitacle mais que faire ? Nous avons continué notre mauvaise route sur la rive gauche de l'Amou-Daria alors que la "bonne" route était plus loin, rive droite.
En suivant ainsi la frontière avec le Turkmenistan nous sommes entrés, en quittant Ourgench pour Gurlan, dans une zone irriguée très peuplée. Nous avons longé d'anciens kolkhozes où l'on repiquait le riz. L'eau était partout en abondance : des canalisations énormes bleues enjambaient des canaux, on suivait des canalisations jaunes puis des canaux ouverts de toutes tailles - des grappes d'enfants s'y baignaient - jusqu'aux rigoles qui striaient les champs de coton encore verts en juin.(La récolte ne vient qu'en septembre).


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Toute cette eau, toute cette vie vient de l'Amou-Daria. Le fleuve, traversé sur un pont flottant après Mangit est gigantesque mais déjà très boueux et visiblement peu profond. Même s'il est entrain de s'asphyxier et va se perdre définitivemet au nord de Nukus sans jamais pouvoir atteindre la Mer d'Aral, il reste encore là très impressionnant.
Nous avons ensute rejoint la route principale. La "bonne" route était en travaux, monotone, pénible.
Allez, pas de regrets ...



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En préface à son guide du musée de Nukus, la directrice a noté que "l'attention internationale se portait aujourd'hui sur le Karakalpakstan (région autonome d'Ouzbekistan) pour deux raisons diamétralement opposées : le désastre de la mer d'Aral d'un côté mais aussi, en positif, la renommée croissante du Musée des Beaux-Arts de Nukus, également appelé "Miracle du Désert" ou "Perle de l'Aral".
Nous sommes allés voir les deux, en effet. Et le "miracle" est bien au musée Igor Savitski.

Dark tourism au Karakalpakstan

Pourquoi aller à Moynaq sinon pour confirmer ce que l'on sait déjà par les images satellitaires ?
http://www.actunautique.com/2014/10/10-photos-satellite-sur-la-disparition-de-la-mer-d-aral.html

Entre les années 60 et aujourd'hui, la surface de la Mer d'Aral s'est réduite comme peau de chagrin. Visible encore à l'ouest du bassin, la mer s'est retirée à plus de 150 kms de son grand port du sud. L'exemple même de la catastrophe environnementale : écologique, économique, sanitaire, sociale, humaine tout simplement. Un modèle du genre.
En cause, le détournement des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria au temps de l'U.R.S.S. pour irriguer le coton des fronts pionniers du Kazakstan et de l'Ouzbekistan.(Mais à Nukus, on dit aussi que la Mer d'Aral pourrait avoir coulé en souterrain vers la Caspienne, plus basse, le long de failles réactivées par des essais nucléaires soviétiques au Kazakstan ; ce qui aurait accéléré sa disparition...)
Que reste-t-il donc du grand port soviétique d'Ouzbézkistan, Moynaq, dont on nous dit qu'il fut une ville de 100 000 habitants dans les années 60 dédiée à la pêche et aux conserveries ? D'où un avion alors "décollait toutes les heures" ??? Une bourgade dans un désert.


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Mais où sont les traces du passé ? On suit bien la ligne du double rivage asséché : côte basse d'un côté de la presqu'île, côte à falaise de l'autre. A perte de vue, le fond sableux de la mer disparue encore herbeux en cette saison est, de loin en loin, parcouru de bovins.(Plus de mer poissonneuse, alors pourquoi ne pas substituer à la pêche l'élevage sur le plancher des vaches ?) Sous la falaise, une dizaine de bateaux très rouillés ont été réunis là intentionnellement pour frapper les esprits - ils sont destinés à disparaitre aussi sous l'attaque des vents de sable. Au dessus, un Mémorial à la Mer d'Aral en béton et plus loin un petit musée racontent la catastrophe ; ailleurs encore un bateau sur cale (est-ce le port?), le portail d'une conserverie en ruine ; ici et là l'emblème d'un poisson ou d'une ancre. Peu de grands édifices. Cette ville soviétique a-t-elle vraiment existé ?


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Dans Moynaq qui s'ensable inexorablement, il reste la vodka qui, elle, est bien présente ajoutant un peu plus à la désolation du lieu. Pourtant à rouler longuement dans les deux rues interminables qui traversent le bourg sur l'ancienne presqu'île, on voit bien que les enfants sont toujours très nombreux (il y a beaucoup d'écoles et un lycée). L'activité a cessé, beaucoup sont partis chercher du travail ailleurs mais les femmes sont restées. Il y avait des travaux de voierie quand nous sommes passés et depuis 15 ans le bourg s'est plutôt repeuplé (12 000 dans les années 90, 18 000 aujourd'hui). De gré ou de force, la vie continue à Moynaq .
Au Kazakstan, la petite Mer d'Aral désormais fermée et séparée de la grande par un barrage est progressivement remise en eau. On annonce toujours le retour de la mer à Aralsk, le grand port du Nord. Par contre, au Sud en Ouzbekistan on comprend que le désert a déjà gagné la partie d'autant que les forages de gaz se multiplient au fond de la mer asséchée. Mais les emplois, dit-on, ne sont pas pour les locaux.
Quant au tourisme (compassionnel ou pas) il n'est pas d'un grand avenir non plus. Car pour dire vrai, aussitôt arrivé, le voyageur ne pense qu'à repartir.

Lien plus général:
http://www.lejournalinternational.fr/Les-restes-de-l-industrie-sovietique-en-Asie-centrale_a2824.html

Le musée de Nukus

Nous avons eu du mal à trouver le musée inauguré en 2003, vu en image sur Internet. C'est qu'il est flanqué maintenant d'un autre bâtiment immense dont la construction n'est pas tout à fait achevée et tout l'ensemble semblait fermé. Erreur ! Il n'y avait pas foule mais ce que nous avons vu ce jour là avec notre guide anglophone nous a convaincu de revenir encore parcourir ce musée d'exception.
C'est à la fois excitant de voir les tableaux de cette avant-garde russe d'Ouzbekistan et de toute la Russie, l'explosion des couleurs, l'inventivité, cette fraîcheur sauvée de l'oubli par ce collectionneur insatiable qu'était Igor Savitski. C'est en même temps très émouvant, à travers les courtes biographies, de deviner les difficultés à vivre de ces peintres en Union Soviétique. Ils ont été déportés, interdits d'exposer dès les années 20 et surtout sous Staline, exécutés parfois (retrouver leurs oeuvres a tenu en effet du miracle). La raison de leur disparition est très variable... quand on la connait. D'autres artistes, prometteurs, ont fini par rejoindre le courant imposé du réalisme socialiste. Alors leurs oeuvres postérieures n'intéressent plus le collectionneur : une biographie tronquée pour eux aussi.
Au premier étage, en contemplant l'art populaire des Karakalpakes qui était la première raison d'être de ce musée, j'ai retrouvé dans le nombre de tissus accrochés, de bijoux presque identiques exposés, dans cette profusion d'objets artisanaux magnifiques répétés à l'envi cette même obsession inextinguible du collectionneur à sauver l'art du néant auquel il était promis.
Ce musée ouvert en 1966 est l'oeuvre d'un seul homme passionné : Igor Savitski mort en 1984. La directrice actuelle Marinika Babanazarova est depuis lors la gardienne fidèle de la mémoire du collectionneur.
Elle craint que cette formidable collection, qu'elle défend bec et ongles contre les appétits de toutes sortes, ne soit dispersée un jour. Elle a réussi à obtenir une extension du musée qui ouvrira bientôt. Une victoire. Nous n'avons eu accès, nous le savons, qu'à 5 % des collections ! Combien pourra-t-on en voir demain ?

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Sites proposés

Sur ce musée du bout du monde voir le site du musée : http://www.savitskycollection.org/

L'introduction par la directrice du Musée à l'exposition "Les Survivants des sables rouges", à Caen en 1998 :
http://www.museeasiecentrale.umontreal.ca/mvacas/artistes/diffu.php?recordID=50

et ces articles de presse :

- 10 février 2008 Le Louvre des Steppes de Luc Desbenoit dans Télérama :
http://www.telerama.fr/divers/25220-les_tresors_de_ouzbekistan.php :
- 4 septembre 2013 Art russe : le Musée du bout du monde, mémorial du siècle passé de Gilles Hertzog dans la Règle du jeu :
http://laregledujeu.org/2013/09/04/13992/memorial-du-siecle-passe/
- A propos du documentaire américain "Desert of forbidden art" 7 mars 2011 Decadent Russian Art Still under the Boot's shadow par Ellen Barry The new York Times :
http://www.nytimes.com/2011/03/08/arts/design/desert-of-forbidden-art-igor-savitsky-collection-in-nukus.html?pagewanted=all&_r=0

- Nombreux tableaux à voir sur la Toile comme ici :
https://www.flickr.com/photos/116262633@N02/galleries/72157640479701373

Lucile

Catégorie voyage Elliq-Qala. Les citadelles du désert

(Billet du 08/07//2015) :

A Nukus, nous avons eu la chance de faire la connaissance d'Oktyabr (Octobre) Dospanov, un archéologue spécialiste des sites du Karakalpakstan, qui nous a servi de guide et nous a beaucoup appris sur la richesse archéologique de cette région.
Son site : www.discoverykarakalpakstan.org
Sur ses conseils, avant de faire le circuit classique de l'Elliq-Qala nous nous sommes rendus à Mizdkhan, près d'Hodjeili, tout près du poste frontière de Kounia Urgench que nous n'avions pas pu franchir en venant du Turkmenistan.

Mizdkhan

Il ne s'agit pas à proprement parler d'une citadelle mais d'un ensemble anciennement fortifié comprenant, sur trois collines, édifices religieux, acropole, et caravansérail. L'occupation du site remonte au IVème siècle avant notre ère et son nom vient probablement du dieu Mazda. La partie la plus intéressante est celle de la nécropole. On y trouve des sépultures qui vont de l'époque zoroastrienne jusqu'à ... nos jours. C'est dire le caractère sacré de ces collines, qui a traversé les siècles et les religions. Aujourd'hui encore, Mizdkhan fait l'objet de pélerinages en provenance, paraît-il, du monde entier. Parmi tous les mausolées, le plus vénéré est celui de Muzkum khan Sulu, qui pourrait abriter, selon certains, la tombe d'un saint musulman, selon d'autres celle du premier homme de la mythologie zoroastrienne, ou mieux encore, celle d' Adam en personne.
Les scientifiques, quant à eux, datent avec certitude la construction de l'édifice du IXème ou Xème siècle mais cela n'empêche pas les légendes de circuler. Elles sont souvent liés aux thèmes de la création et de la fin du monde. On dit que le jour où la dernière pierre du dernier mausolée tombera à terre sera celui du jugement dernier.

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L'Elliq-Qala

De Nukus, nous avons repris la route de Khiva en suivant, cette fois, la rive droite de l'Amou Daria. Nous sommes toujours au Karakalpakstan, mais dans la région antique de Sogdiane, une satrapie de l'empire perse, qui s'étend entre l'Oxos et l'Iaxartes, c'est-à-dire, aujourd'hui entre l'Amou Daria et le Syr Daria, les deux fleuves descendus du plateau du Pamir qui se jettent (ou se jetaient) dans la mer d'Aral.
C'est ici, qu'au cours de sa longue expédition dans les "hautes satrapies" Alexandre épousa la princesse Roxane, montrant ainsi sa volonté d'unir sous son autorité l'Europe et l'Asie. C'est aussi cette "mésopotamie" d'Asie centrale, qui, partie intégrante du royaume gréco-bactrien devint une province prospère attirant les convoitises des Parthes, des Romains et des tribus nomades turques qui finiront par la conquérir.
Avant l'Islam, la Sogdiane, appelée aussi Transoxiane, a été au carrefour de l'Orient et de l'Occident, le lieu de rencontre de plusieurs civilisations et religions. Zoroastriens, Grecs, Bouddhistes, Nestoriens, Manichéens ont eu ici leurs lieux de cultes et se sont parfois mutuellement influencés, donnant des formes d'art originales dont il ne reste hélas ! que peu de chose.
A partir des invasions arabes et après les conquêtes turco mongoles, cette mixité culturelle et religieuse a disparu mais la Transoxiane est restée un trait d'union entre la Chine et l'Occident. Pour cette raison la route de la soie est jalonnée de multiples places fortes d'époques diverses, que l'on appelle "citadelles du désert", d'où le nom d'Elliq-Qala (cinquante citadelles)

Chilpyk

Bien que comptée au nombre des cinquante, Chilpyk est en réalité une tour du silence zoroastrienne, très semblable à celle que nous avons vue dans les environs de Yazd, en Iran. On y parvient par une bonne piste et une courte montée à pied. Du haut de la Dakhma, on aperçoit, d'un côté le désert et de l'autre les terres mises en culture grâce aux canaux venus de l'Amou Daria. Comme l'accès est facile depuis la route Nukus-Urganch, de nombreux visiteurs font l'ascension et la tour n'a plus rien de silencieux...

Toprak Qala

Plus à l'écart des routes principales, Toprak Qala a connu son apogée dans les premiers siècles de notre ère. Aussi étonnant que cela paraisse, la citadelle est restée inconnue, quasi invisible jusque dans les années 1930 où un archéologue revenant d'Ayaz Qala remarqua une éminence d'aspect ruiniforme qui méritait peut-être d'être étudiée.
Cela en valait la peine car Toprak Kala est pour les spécialistes un des sites les plus interessants de l'Elliq-Qala.
Une fois parvenu au sommet, aisément accessible, on trouve un plan de ville rectangulaire. Les fouilles ont permis de dégager une enceinte qui mesure encore aujourd'hui plusieurs mètres de haut et une bonne partie des habitations. Le site a été probablement occupé du deuxième siècle avant notre ère jusqu'aux invasions mongoles et il existe bien entendu plusieurs niveaux. Sans guide, nous n'avons pas été capables de distinguer quoi que ce soit mais cela ne nous a pas empêchés d’apprécier la beauté du site, vide de touristes en cette saison. Lors de notre passage, il n'y avait que quelques gosses qui jouaient dans les ruines.

Ayaz Qala

On atteint la plus connue des citadelles du désert au bout d'une route qui se termine en impasse. C'est la plus grande, la plus belle et la seule qui demande un petit effort de marche à pied. La forteresse est située sur un plateau et mesure près de 200 mètres sur 150. Curieusement, le site ne semble pas avoir été fouillé. On distingue encore nettement les deux portes monumentales qui donnaient accès à la place forte. Aujourd'hui, l'esplanade centrale est immense, vide et apparemment vierge de toute investigation. Nous sommes restés sur la muraille jusqu'au coucher du soleil avant de redescendre vers le camp de yourtes (pour touristes) en contrebas.
Partout autour, c'est le désert des citadelles, sinon des Tartares...

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Michel

Catégorie voyage Boukhara

(Billet du 12/07/2015) :

Entre Khiva et Boukhara, la route de la soie est plutôt celle du coton. Quand on ne roule pas dans le désert, on longe des champs de coton, irrigués par l'eau qui n'arrive plus à la mer d'Aral. Le paysage est plutôt monotone, sans joie, et le trajet très fatigant à cause de l'état déplorable de la chaussée.
Enfin, on arrive.
"Mais c'est encore plus beau que Khiva !"
Allons-nous dire cela à chaque ville que nous découvrons sur la route de la soie ? Écrivant ces lignes depuis Samarcande, je peux déjà répondre que non.
C'est Boukhara qui restera pour nous la plus belle des cités historiques d'Asie centrale .

Elle ne s'offre pourtant pas au premier regard, comme Khiva. La muraille de la citadelle est, certes, imposante mais l'intérieur, en grande partie détruit par les bombardements soviétiques de 1921, ne mérite pas qu'on s'y attarde, et, devant cet "Ark", la place du Registan, rénovée, se révèle pratique pour y installer Tiresias, mais triste et vide de jour comme de nuit. Quant aux trois bazars historiques qui subsistent de ce qui fut peut-être le plus grand marché d'Asie centrale, ils sont désormais entièrement touristiques.

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Alors, pourquoi Boukhara, plutôt que Khiva ou Samarcande ?

D'abord parce que la séparation entre ville classée et ville habitée est nettement moins sensible.
Si Khiva est une ville musée, Boukara est un musée en plein air.
La différence peut paraître subtile et je ne saurai peut-être pas bien l'expliquer. Tout au plus puis-je essayer.

Même si les rues "principales" sont totalement vouées au tourisme, et quand bien même on ne peut traverser un bazar ou pénétrer dans la cour d'une medersa sans être sollicité par une vendeuse de tissus, un marchand de tapis, un enlumineur ou un changeur au noir, elles nous paraissent plus authentiques, plus humaines. Il y a très peu d'arrivages de touristes en cette saison et nous sommes donc des "pigeons" très attendus. Pourtant, loin d'être agressifs et collants, les marchands ont une manière sympathique, élégante, polie, souvent drôle - civilisée, pour tout dire- de tenter de nous alpaguer.
Certes, nous ne nous en tirerons pas tout à fait indemnes, mais nous payons notre (petite) dîme en échange de pièces de choix. Boukhara est justement réputée pour son artisanat. Ne soyons ni chagrins ni radins. On n'achète pas n'importe où des soies de cette qualité et on ne trouve pas partout une enluminure peinte devant soi.

Ce qui nous a plu, surtout, c'est qu'au détour d'une rue, au coin d'une mosquée ou d'un bazar, on passe facilement d'une zone touristique et bien pavée aux ruelles poussiéreuses et étroites de la partie habitée.
C'est dans cette portion plus populaire que trouvons d'ailleurs refuge pour la première fois dans une "guest house", au fond d'une impasse cimentée. Il fait vraiment trop chaud ! Plus de 50° en journée et jamais moins de 35° pendant la nuit. Malgré notre excellente isolation, la douche du fourgon est brûlante et l'après-midi, nous n'avons d'autre solution que de fuir la fournaise de l'habitacle et de chercher un endroit climatisé pour pour y tuer les heures les plus torrides. Après avoir squatté deux jours de suite le lobby de l'hôtel Asia, avec sa bière pression et sa connexion Wifi, nous prenons donc une chambre à la pension "Malika". C'est une petite maison traditionnelle, très "tunisienne", pour nous, avec une minuscule cour centrale entourée de quatre ou cinq pièces et d'une cuisine. La climatisation produit instantanément son effet et nous plongeons dans une sieste proche du coma.
Autour de la pension, une vraie vie ordinaire, avec ses activités quotidiennes, ses allées et venues, ses relations de voisinage, ses petits commerces, ses habitants qui sont contents de nous voir et ne demandent qu'à discuter, et ô merveille ! son point d'eau ombragé où nous pouvons garer et abreuver Tiresias.
On se croirait dans un village. Nous sommes pourtant à deux pas de Poi Kalan.

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Entre la ville qui se visite et celle qui est habitée, existe une place merveilleuse : le Lyiab i Hauz. Il s'agit d'un grand bassin, bordé de mûriers centenaires et encadré sur trois côtés de monuments historiques : deux medersas et un khanaka (centre d'accueil et d'enseignement plus particulièrement réservé au soufisme)
Le bassin est une des dernières citernes à ciel ouvert de la ville, les autres ayant été comblées à l'époque soviétique pour des raisons d'insalubrité. Toute une série de légendes entourent la construction et les vertus curatives ou divinatoires de cette pièce d'eau. La plupart sont liées à la personne de l’émir Quli Khan, et à ses relations avec la population juive qui occupait les quartiers environnants. Il reste encore quelques membres de cette communauté mais, comme dans beaucoup d'autres pays d'Asie centrale, la plupart ont émigré.
Au mois de juillet, le Lyiab i Hauz est un paradis. Les Boukhariotes ne s'y trompent pas et viennent en nombre s'asseoir sur les marches dès le crépuscule.
Tout autour, se tiennent des échoppes et des cafés où l'on peut boire et manger. Pour la bière et les plats plus raffinés, il faut faire tout le tour et passer devant la statue de Nazreddin Hodja sur son âne. Les histoires drôles et souvent un peu absurdes attribuées à ce personnage populaire, tantôt roué, tantôt stupide, toujours un peu filou, courent depuis des siècles dans tout le monde musulman, de l’extrême orient au Maghreb où il est plus simplement appelé Jha.
(Voir en bas de page quelques exemples montrant le personnage sous ses différents aspects.)
En soirée, nous prenons vite nos habitudes en ce lieu. Il y fait enfin presque frais et on tend avidement son visage vers la petite brise qui passe entre les gouttes des jets d'eau.

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Mais Boukhara est aussi et d'abord d'une incroyable richesse architecturale.
L'ensemble Poi Kalan, avec son minaret, sa mosquée et sa medersa. est sans aucun doute l'ensemble monumental le plus beau, le plus homogène, le plus harmonieux que nous ayons vu jusqu'ici, mais il y a tant de choses à découvrir !
Devant l'étendue des merveilles à visiter, nous avons choisi de prendre un guide. Sole, professeur de Français en retraite, a composé pour nous une sélection de sites à travers lesquels il nous a conduits, en deux matinées, alternant explications, descriptions et anecdotes. Sans lui, nous aurions bien sûr trouvé seuls la medersa d'Ulug Bek, le souverain ami des sciences et des arts, la mosquée enterrée, qui est la plus ancienne et sur le toit de laquelle on pouvait marcher il y a peu, ou encore les colonnes de Bolo Kaouz qui se mirent dans un bassin comme le palais des quarante colonnes à Ispahan, la mosquée Abdullah Khan, le mausolée Ismaïl Samani dans le parc Navoï, puis les quatre minarets symétriques de Chor Minor coiffés de leur dôme bleu clair.
Mais nous n'aurions jamais su déceler les détails particuliers, tel l'emplacement de la salle de prière dans une medersa par rapport à une mosquée, les survivances des croyances zoroastriennes dans la décoration de tel édifice, l'endroit précis où se tenaient jadis les bijoutiers, les tisserands, les "épiciers" et les changeurs, car, dans ce carrefour commercial, circulaient des monnaies du monde entier, de la Chine jusqu'aux lointaines contrées barbares d'Occident.
Et aurions-nous su dénicher le moderne disciple d'Avicenne qui remit habilement en place une prémolaire aux velléités fugitives ?

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A Boukhara, nous nous sommes vraiment, pour la première fois, sentis plongés dans l'histoire de l'Asie centrale et de la route de la soie, telle qu'on peut la rêver en Europe, avec ses richesses architecturales, d'autant plus belles après une longue traversée dans la poussière du désert, ses couleurs, sa lumière, et son passé millénaire, qui transpire de chacune de ses pierres.
Mais ces murs sévères et ces hautes portes closes nous rappellent aussi toute la dureté et la cruauté des khanats orientaux.
L'admirable minaret Kalian, si haut, si beau, si fier que Genghis Khan daigna l'épargner, et si solide que les bombardements russes l'écornèrent à peine, compte douze ou quatorze bandes décoratives, selon la manière dont on veut bien les compter, mais il faut savoir que c'est du haut de cette tour que l'on précipitait les condamnés. Encore n'était-ce pas le pire des supplices. Que pouvait ressentir le voyageur pénétrant en ville entre les têtes coupées de ceux qui l'avaient précédé et avaient, pour une raison ou pour une autre, fâché le monarque ? Jusqu'à l'occupation russe, celui qui arrivait ici devait frissonner en pensant au sort récemment réservé aux envoyés britanniques de la reine Victoria, enfermés dans des oubliettes avec les rats et les cafards pendant des années avant d'être décapités en public sur le Registan. Le premier avait commis l'erreur impardonnable d'entrer à cheval dans la citadelle et le second l'imprudence de venir négocier la libération de son compatriote.

Pour nous, le seul risque aujourd'hui serait de ne pas pouvoir repartir faute de carburant mais nous ne sommes plus "des bleus" et commençons à "savoir y faire". Après une visite dans la cour intérieure d'un garage pour camionneurs, voici Tiresias bien abreuvé d'un "dizel" fraîchement pompé au réservoir d'un TIR, et prêt à faire vrombir de nouveau son moteur.
En route pour Samarcande.

Michel


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Histoires de Nazreddine Hodjha, dit Jha.

Astucieux :

Trois enfants reçoivent 17 ânes en héritage. L’aîné devait en obtenir la moitié, le cadet un tiers et le benjamin un neuvième. Le partage semblait impossible.
Jha arriva alors sur son âne, qu'il ajouta au cheptel. Il distribua 9 ânes au premier, 6 au second et 2 au dernier, pour un total de 17. Après quoi il récupéra le sien et repartit.

Pas dupe mais grand cœur :

Jha se marie. Un mois plus tard, sa femme met au monde un nouveau-né. Jha se rend alors au bazar et achète des vêtements et des jouets pour un enfant de neuf ans, ainsi que des livres et des cahiers d'écolier.
- Mais cela ne convient pas à un bébé ! lui dit sa femme.
- Mais si ! Étant donnée la rapidité de sa gestation, sa croissance devrait être rapide."

Filou :

Un jour au marché, Jha voit un oiseleur vendre des perroquets. En faisant parler ses volatiles, celui-ci gagne beaucoup d'argent. Le lendemain, Jha vient se placer à côté de lui avec une dinde.
"Mais ton oiseau ne parle pas ! lui dit son concurrent.
- Mieux que cela ! Il pense.", lui répond Jha.

Stupide :

Jha revient du marché les bras chargés de provisions et de friandises. Devant sa maison, des enfants se précipitent sur lui. Pour s'en débarrasser, Jha leur dit :
"Voyez-vous toutes ces friandises ? Elles ne m'ont rien coûté car je reviens du bazar où on les donne gratuitement aujourd'hui."
A ces mots, les enfants laissent leurs jeux et filent vers le marché.
Les voyant partir si vite, Jha se dit alors : "Et si c'était vrai ?".
Et aussitôt, il jette ses provisions par terre et court à son tour vers le bazar !

Catégorie voyage Samarcande

(Billet du 18/07/2015) :

Si l'on m'avait prédit que je me trouverais un jour à prendre des photos devant le sarcophage d'un criminel de guerre, je ne l'aurais certainement pas cru.
C'est pourtant ce qui m'est arrivé, en juillet 2015, dans le mausolée de Timur Lang.
Tamerlan, c'est le plus féroce de tous les chiens de guerre. Aucune campagne militaire n'a jamais eu, dans l'histoire, de conséquences aussi catastrophiques que les conquêtes qu'il a menées, au XIVème siècle, des provinces chinoises au détroit du Bosphore et de Moscou à Delhi.
Des centaines de villes mises à sac, des milliers de monuments historiques rasés, des régions entières dévastées - parfois rendues incultes pour toujours - et des millions de morts.
Combien ? Si les estimations varient, certains historiens évaluent le nombre des victimes à environ 5% de la population mondiale de l'époque.
Mais Tamerlan, c'est aussi le bâtisseur de Samarcande dont il voulut faire la capitale du monde, après avoir détruit tout ce qui, de près ou de loin, aurait pu prétendre rivaliser avec elle.
L'Ouzbékistan est le seul pays où il ne soit pas honni. Mieux, depuis son accès à l'indépendance, cette ex RSS a fait du "diable boiteux" son héros national. Et si Samarcande n'a plus rang de capitale, c'est tout de même ici que le plus sanguinaire de tous les conquérants a son mausolée et sa place du trône, au carrefour des trois villes : la ville historique, la vieille ville et la ville russe.



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Samarcande :

Nous voici donc à Samarcande, le joyau de l'architecture timuride.
Nous n'avons pas été déçus, c'est impossible.
Samarcande, la ville millénaire, le carrefour de l'Orient, la cité de légende(s), que l'on a vue avant de l'avoir vue et qu'on se promet de connaître un jour, la Maracanda dont la renommée était parvenue jusqu'aux aux oreilles d'Alexandre, la plus célébrée des cités d'Asie centrale, tour à tour perse, grecque, gréco-bactrienne, sogdienne, turque, mongole, chaybanide, russe, ouzbèke, un des phares de l'Islam, étape mythique sur la route de la soie, ne laissera jamais aucun visiteur indifférent.
Pourtant, nous n'avons pas été enthousiasmés.
Même pas charmés.
Même pas séduits.
Pas même touchés.
Certainement pas émus.
Nous avons seulement admiré.

Peut-être parce qu'auparavant, sur la "route", nous avions vu, connu, aimé, Ispahan, Khiva et Boukhara.
Peut-être aussi parce que, devant tant d'exceptionnelles beautés, la lassitude commence à se faire sentir.
Enfin et surtout parce qu'à Samarcande, le "World Heritage" est passé, chaussé, cette fois, de ses plus gros sabots.
Samarcande n'est même pas une ville musée, c'est désormais un musée dans une ville.
Tout le centre historique est emmuré, isolé du reste de la cité par de vilaines palissades de béton grossièrement et hâtivement peinturlurées. Cachez ces maisons disparates, ces gouttières bricolées, ces ruelles cahoteuses et ces odeurs d'eaux usées. Place nette à l'ancien, le vrai, le seul beau.

Arrivés tard le soir, nous avions posé Tirésias sur le vaste parking où les bus et minibus peuvent en journée déverser leurs cargaisons de voyageurs.
De ce poste d'observation, de nuit, hors saison et hors les murs, l'ensemble illuminé des coupoles et des minarets nous a tout d'abord semblé plus magnifique que tout ce que nous avions vu jusqu'ici.
Au matin, nous avons déchanté.
On n'accède plus librement à la place du Registan. Passe encore qu'il faille, tout en versant son obole, résister aux sollicitations supplémentaires du personnel qui profite de la situation pour essayer de soutirer encore quelque argent aux visiteurs : un tarif de parking exorbitant, un accès clandestin à une salle interdite, une entrée en dehors des heures autorisées ; c'est l'usage sur les sites Unesco (une nouveauté ici, cependant : la visite proposée d'un minaret au lever du soleil...)
Mais pourquoi cette entrée dérobée, sous des tentures d'un blanc sale, qui nous prive du meilleur point de vue, face à la medersa Ulu Beg ?

L'ensemble architectural du Registan :

Si l'on parvient à prendre un peu de recul (ou si l'on ressort de l'enceinte payante !..), on se trouve face au plus admiré, au plus célébré, au plus représenté, au plus photographié des ensembles architecturaux du monde musulman.

Les trois medersas qui nous font face ne sont pourtant pas si anciennes.
A gauche, celle d'Ulug Beg date du XVème siècle. Les étoiles qui ornent son fronton rappellent que ce khan, petit-fils de Tamerlan, fut un astronome réputé, dont les ouvrages furent étudiés jusqu'en occident.
A droite, la medersa Cher-Dor, du XVIIème, est ornée d'éléments figuratifs rares dans l'art islamique. On note de part et d'autre du portail central la représentation maladroite de deux félins, auxquels l'édifice doit son nom.
En face, la medersa Tilla Qari date à peu près de la même époque. On la dit "couverte d'or" pour la riche décoration de sa mosquée. Mais une salle moins dorée et tout aussi intéressante présente une exposition de photos datant d'avant les rénovations.
En regardant ces clichés en noir et blanc, on se rend compte que les grands voyageurs qui ont célébré Samarcande au XIXème et au début du XXème siècle ont découvert un Registan ruiniforme, avec ses coupoles éventrées, ses murs lézardés, ses pichtaqs ternis, ses faïences descellées, ses monuments émergeant à peine du capharnaüm qui les entourait.
J'aurais vouloir voir tout cela avec leurs yeux, quand la place était encore le cœur battant de la vieille ville, noyée dans le tohu-bohu de la vie quotidienne, avec son bazar bordélique, ses bousculades, ses invectives, ses marchandises déversées, ses déchets, et les trois medersas légèrement penchées sur la scène, en fond d'écran.
Aujourd'hui, nous contemplons un site historique admirablement restauré par les soins des architectes soviétiques, qui ont redonné aux façades tout leur éclat, et un "patrimoine" protégé, depuis la fin de l'URSS, par les Nations Unies.
C'est magnifique, mais c'est mort.
En ruine, c'était vivant.
Et puis, on a envie de se dire : "Mais où est passé Dieu, dans tout ça ?"
Même si (ou peut-être parce que) je ne suis pas croyant, je m'ennuie dans les lieux de culte désacralisés.
J'aime me déchausser pour entrer dans une mosquée et, quand je visite une église orthodoxe, j'aime voir les fidèles embrasser les icônes.
Dans "église" et dans "jemaa", il y a "réunion", "communion", et dans "enthousiasme", il y a "théos".
Plus rien de tout cela en ces lieux.



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Plus rien non plus dans l'affreuse "rue de Tachkent", l'ancienne artère marchande de Samarcande, la route par laquelle arrivaient et sortaient les caravanes. Les restaurateurs en ont fait une rue piétonne sinistre, vidée de ses habitants, bordée de boutiques de souvenirs sans intérêt et, où d'ailleurs, les touristes ne se pressent pas. Un petit train électrique mène ceux qui ne veulent pas marcher jusqu'à la mosquée de Bibi Khanoun. C'est écolo, c'est nickel, c'est lisse, c'est mortellement ennuyeux.

La mosquée de Bibi est d'ailleurs aussi peu "enthousiasmante" que la rue qui y mène. Elle est énorme. On nous dit que son pichtaq de 40 mètres est le plus haut jamais construit. La belle affaire ! Et d'ailleurs, l'original n'a guère tenu le coup. Construit au XVème siècle, il s'est écroulé au XIXème et a été entièrement remonté par les Russes en 1970 (avec sans doute beaucoup d'armature métallique).
L'édifice peut toutefois intéresser le visiteur par les légendes qui l'entourent. La belle épouse chinoise de Tamerlan voulait sa mosquée personnelle, mais les plans de l'architecte ne se limitaient pas à la construction de l'édifice, et il obtint de la commanditaire plus que le marché initial.
Un vrai conte des Mille et nuits.
Inutile de s'attarder sur la colère du conquérant de retour de campagne...

La rue de Tachkent s'arrête un peu plus loin, au bazar Siob. C'est tout ce qui reste de la Samarcande commerçante. L'ambiance y est agréable et l'animation semblable à celle que l'on peut trouver sur la plupart des marchés d'Asie centrale. Les touristes y viennent depuis la rue piétonne mais les vrais clients et les marchands y accèdent plutôt par l'autre côté, depuis le parking jouxtant la route à grande circulation qui achève de couper la ville historique du reste du monde.
Car la rue de Tachkent ne mène plus à Tachkent. Et les piétons n'iront pas plus loin que cette quatre-voies qui la sépare de la colline d'Afraziab, pourtant toute proche.
Aucun franchissement n'est prévu à cet endroit. Si l'on veut aller visiter les sites situés au delà, il faut prendre un taxi ou longer la voie rapide pour trouver un endroit traversable.
Cela vaut pourtant la peine de marcher un peu.



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Chah-I-Zinde :

La spiritualité, nous l'avons trouvée de l'autre côté, dans l'allée des tombeaux de Chah-I-Zinde. Il s'agit d'un ensemble de mausolées qui s'alignent le long d'une montée pavée. Chacun d'eux est à lui seul une splendeur mais c'est la vue générale qui est exceptionnelle.
On peut entrer tour à tour dans chaque édifice et reprendre son parcours, jusqu'au tombeau d'Ibbn Abbas, supposé cousin de Mohamed, auprès duquel les puissants souhaitèrent se faire enterrer et/ou inhumer leurs proches.
Si l'intérieur de certains de ces mausolées est à chaque fois une merveille, il ne faut pas hésiter à monter et descendre plusieurs fois l'unique rue de la nécropole pour contempler, sur les façades, ce qui passe pour le plus extraordinaire ensemble de faïences de architecture islamique. Le passage est assez étroit, avec de temps à autre des raidillons et quelques volées de marches, et on peut varier les points de vue : de haut en bas, de bas en haut, ou depuis une terrasse.
Les gens que l'on trouve en ces lieux sont différents de ceux qui se rendent au Registan. Ils semblent venir ici en promenade plutôt qu'en visite, et, parmi eux, des croyants viennent comme en pélerinage.
L'ambiance n'est pas vraiment au recueillement ; elle reste bon enfant, mais elle n'est pas non plus à la simple escapade touristique.
C'est aussi ce qui nous a plu, après la sécheresse culturelle du Registan et de l'ensemble intra muros.



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Autres sites de Samarcande :

La "ville russe" :

De l'autre côté de la place Timur Lang, se trouve une autre ville. construite par les Russes. Elle ne se visite pas mais est très agréable à vivre.
La grande rue Navoi traverse un vaste parc et les rues ombragées qui quadrillent ce quartier sont propices au parking en journée. Quelque bars à bière apportent un agrément supplémentaire à l'ensemble.

L’observatoire d'Ulug Beg :

Ulug Beg était petit fils de Tamerlan. Peu porté sur la conquête, ce souverain fut avant tout homme de science. Soucieux d'éducation, il fit construire davantage de medersas que de mosquées. Astronome et astrologue, il s'interessa principalement à l'étude de la position des étoiles et ses ouvrages, traduits en latin, firent autorité quelque temps jusqu'en occident.
Ce qu'on visite à Samarcande, ce sont les vestiges du grand observatoire qu'il avait fait bâtir. Les Soviétiques ont mis à jour au début du XXème siècle une partie de l'astrolabe de 30 mètres de haut qui tenait à l'intérieur d'un bâtiment de trois étages.
C'est intéressant mais un peu frustrant car il ne reste rien d'autre qu'un rail souterrain en arc de cercle qui devait être un morceau du limbe. Tout le reste a été détruit.
Le petit musée associé à l’observatoire ne nous aidera pas à reconstituer le plan de l'édifice. Sans grand intérêt, il ne fournit aucune explication sur le fonctionnement du dispositif, ni aucune précision sur les travaux d'Ulug Beg.
C'est d'autant plus dommage que le gouvernement ouzbek a visiblement décidé de donner à ce lieu une importance historique et de faire du souverain astronome une figure marquante de la "science d’Ouzbékistan". C'est évidemment mieux que de célébrer Tamerlan, mais il ne suffit pas de nous dire qu'un des cratères de la lune porte le nom de ce savant, car c'est aussi le cas de plus d'un millier d'astronomes, sélénographes et sélénautes... Alors, rédacteurs du ministère de la culture d’Ouzbékistan, à vos claviers !



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La citadelle d'Afraziab :

Avant Samarcande, il y avait Maracanda.
Inutile d'y chercher le souvenir d'Alexandre et de Roxane ; le site, situé sur la colline aujourd'hui nommée Afrasiab, est complètement à l'abandon et c'est pitié d'arpenter ces hectares mal entretenus, en slalomant entre les excavations à demi-écroulées, sans aucun point de repère possible.

Le musée mérite cependant une visite. Il abrite les restes d'un palais daté du VIIème siècle et révèle l'éclat d'une civilisation dont on soupçonnait à peine l'existence, jusqu'à la découverte d'une fresque qui montre le rayonnement de la Sogdiane avant les destructions de la conquête arabe.
Sur les trois côtés de la pièce mise à jour, on voit le roi Varkhouman en grande cérémonie et, sur le mur Nord, recevant les hommages de divers ambassadeurs. Ce qui est passionnant, outre la remarquable conservation des peintures, c'est de voir à quel point la renommée de la Sogdiane s'étendait alors loin à l'est. On reconnaît nettement les émissaires chinois de la dynastie Tang et les textes qui accompagnent leurs présents sont bien lisibles. Plus étonnante, la présence de dignitaires venus de la lointaine Corée, avec leurs curieuses coiffures à aigrettes.
Quel sens faut-il donner à ces ambassades ? Cela signifie-t-il que le roi de Sogdiane traitait alors d'égal à égal avec l'empereur de Chine et commerçait avec la lointaine Corée ? Etait-il un allié, un rival potentiel à ménager, ou un vassal, comme le disent certaines archives chinoises ?
Toujours est-il que le royaume était manifestement tourné vers l'extrême orient.
Beaucoup moins importants, en effet, sont les hommages venus de l'Ouest. On note surtout la présence de gardes turcs. Il s'agit probablement de mercenaires en provenance des régions voisines du Nord. Ce sont d'ailleurs ces peuples nomades qui, après les invasions arabes du VIIIème siècle, prendront le contrôle du pays.


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Les fresques d'Afrasiab auront été pour moi une révélation. Oserai-je dire que c'est ce que j'ai vu de plus intéressant à Samarcande ? Non, certes. Mais c'était le plus inattendu.

Quant au centre historique, il est, bien endendu, extraordinaire mais :
A trop vouloir nettoyer, on stérilise.
A trop vouloir conserver, on fossilise.
A trop vouloir protéger, on crée un ghetto culturel.
Qui est responsable ? Les autorités locales ? L'Unesco qui a encouragé ou laissé faire ?
Peu importe.
On repart de Samarcande avec l'idée que ce qui a été fait ici pour la préservation du patrimoine est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.

Catégorie voyage Tachkent

(Billet du 25/07/2015) :

De peu d'importance dans l'histoire, en comparaison de Samarcande ou Boukhara, Tachkent, capitale depuis 1930 en lieu et place de Samarcande, est aujourd'hui une métropole de 2,5 millions d'habitants.
L'immigration russe y a été très forte à l'époque tsariste et soviétique et Tachkent reste marquée par une forte division entre la vieille ville autochtone et la ville nouvelle russe. La première est traditionnelle et poussiéreuse et la deuxième verdoyante, ombragée et bien goudronnée. Entre les deux, un vaste espace est occupé par des parcs et des bâtiments publics et administratifs qui s'étirent le long de belles avenues ou autour de larges places.
Après les semaines de chaleur que nous venions de vivre, et mises à part quelques courses dans les bazars Chorsu et Malika, nous n'avons eu d'yeux et de goût que pour la zone verte.

L'ambassade de France et l'Alliance Française (ex Institut Français) :

Quand on arrive dans une capitale étrangère, surtout dans un pays lointain, il est toujours utile de se présenter à l'ambassade de France, et souvent intéressant de faire une visite à ses représentations culturelles (Institut Français, lycée français, Alliance Française, voire librairie française).
Selon le site officiel www.diplomatie.gouv.fr, il est d'ailleurs recommandé de s'enregistrer à la section consulaire de Tachkent et de s'y faire délivrer une "attestation de protection" propre à "pallier les inconvénients liés aux contrôles en ville et sur les grands axes routiers".
C'est ce que nous avons fait. Nous avons été particulièrement bien reçus par l'Assistante du Consul et invités pour les festivités du 14 juillet.
Si seulement toutes les démarches administratives permettaient de joindre ainsi l'utile à l'agréable !

Tout aussi instructive fut notre visite à l'"Alliance Française", qui pour des raisons diverses, succède à l'"Institut Français". Mme Mrachkovskaia nous a consacré beaucoup de son temps et nous avons pu nous entretenir avec certains professeurs. Avec eux, nous avons assisté à une séance de "Loup garou" particulièrement animée entre des enfants aussi passionnés que motivés.
L'occasion de constater qu'à Tachkent, comme ailleurs, la francophonie et la francophilie demeurent présentes et qu'on s'efforce d'y maintenir la culture et la langue françaises, dans des conditions parfois difficiles.

Le musée des Beaux Arts :

Ce gros édifice cubique s'étend sur quatre niveaux mais seuls trois d'entre eux étaient ouverts lors de notre passage.
Le premier niveau, à caractère plutôt ethnographique, présente des productions de l'artisanat ouzbek et d'autres régions d'Asie centrale. Les deux étages supérieurs sont consacrés à la peinture.
La concurrence avec le musée de Nukus est évidemment difficile. Pourtant, la collection de Tachkent ne manque pas d'intérêt. Sont exposées de nombreuses œuvres de peintres russes du XIXème et XXème siècles, dont beaucoup de tableaux ayant pour sujet l'Asie centrale. Parmi ceux-ci, nous retrouvons quelques œuvres de Nicolaiev, dont une sieste champêtre plutôt érotique (Non, non, pas de photo. Allez au musée !)
En sortant, il faut absolument éviter la "brasserie" d'en face, où l'on sert la nourriture la plus chère, la plus chiche et la moins savoureuse d'Ouzbékistan. C'est le seul établissement des environs mais il vaut mieux faire patienter son estomac et manger plus loin dans un des bons restaurants de la ville (voir ci-dessous la rubrique "Agréments de Tachkent")

Le musée National d'Histoire (à ne pas confondre avec le musée d'histoire timuride) :

Il est situé dans le quartier administratif et politique. En montant l'escalier, le visiteur est d’ailleurs accueilli par une profonde pensée du président Karimov gravée dans le marbre :
"The world is vast, there are many countries, but our Ouzbekistan is unique".
Les objets et œuvres présentés vont de la préhistoire à la période actuelle mais, lors de notre passage, la partie contemporaine était fermée pour réorganisation en vue d'une prochaine commémoration.
On peut s'attarder sur les pétroglyphes et les stèles funéraires du premier niveau mais le plus intéressant est l'étage consacré à la période post achéménide et pré islamique. On y voit un grand tableau représentant les victoires de Spitaménès contre Alexandre (rien en revanche sur la soumission finale des tribus d'Asie centrale dont il était le chef). On y trouve aussi une importante collection de monnaies de l'époque gréco-bactrienne, des sculptures d'inspiration bouddhiste et de très belles fresques en provenance de la région de Boukhara, dont la manière et le sujet sont très proches de ce que nous avons vu sur la colline d'Afrasiab, à Samarcande.



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Le centre religieux de Khast Imam et le coran alternatif :

Dans la vieille ville, sur une vaste place récemment réaménagée, se trouvent une grande et moderne mosquée du Vendredi ainsi que trois mausolées. On se rend en ces lieux principalement pour visiter la "bibliothèque". Celle-ci ne contient en réalité que quelques ouvrages, mais quels ouvrages !
On y voit, paraît-il, le plus ancien coran du monde, qui daterait du VIIème siècle et aurait été ramené d'Irak par Tamerlan. Il s'agirait d'une des deux copies (d'où mon titre) du "codex d'Othman" dont celui-ci aurait commandé la rédaction dans les premières années de l'Hégire. Comme toujours, la datation de l'ouvrage est contestée par certains historiens et théologiens. Peu importe. Si ce n'est pas le coran le plus ancien, c'est assurément le plus volumineux et le plus lourd. A regarder ces gigantesques lettres calligraphiées, aussi grosses que le "Z" et le "U" de nos ophtalmologistes, et à soupeser mentalement chaque page et l'épaisse couverture en peau de daim, on sent bien le poids du religieux.

Les agréments de Tachkent :

En comparaison de Khiva, Boukhara ou Samarcande, Tachkent n'est pas une ville qui se visite mais le séjour peut y être agréable. Dans la ville "russe", nous avons aimé les grandes promenades et l'atmosphère détendue du parc Navoï, les larges avenues ombragées, les petits kiosques où se rafraichir le gosier.
Dans la vieille ville, le bazar informatique Malika et ses échopes toutes identiques, alignées comme le sont habituellement les boutiques de chaussures ou les étals de fruits et légumes dans un marché ordinaire d'Asie centrale. On peut y faire réparer son téléphone portable ou son ordinateur, acheter une clé USB ou un laptop. Tout ce que l'on trouve chez-nous à la FNAC ou dans la galerie marchande d'une grande surface est là, mais dans une ambiance de ... bazar.
Aucune rivière ne traverse Tachkent mais, entre la ville nouvelle et la ville ancienne, coule le canal Ankhor, pas très joli ni très large, mais propice à quelques activités aquatiques et moments de détente. Il ne faut pas manquer le restaurant Charchara, où l'on est servi aimablement et où l'on mange de délicieux plats traditionnels, rafraichi et aspergé par les embrun, au pied d'une chute d'eau.
On y resterait la journée entière.

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Catégorie voyage La vallée de Fergana

(Billet du 03/08/2015) :

A l'est de l'Ouzbékistan, se trouve la vallée de Fergana, qui déborde largement sur le sud-ouest du Kirghizstan et le nord du Tadjikistan. Presque entièrement entourée de hautes chaînes de montagnes, elle est parcourue par le Syr Daria, qui coule ensuite en direction de ce qui reste de la mer d'Aral, via le Kazakhstan.
Depuis Tachkent, à l'Ouest, on l'atteint en franchissant le col de Kamchik, où l'on trouve une relative fraîcheur. De l'autre côté, il fait plus chaud que jamais. Il faut alors imaginer les montagnes car la cuvette est très large et, dans cette cette immense plaine, une brume permanente limite la visibilité. Aux effets de la chaleur s'ajoutent sans doute ceux de la pollution et nous ne tardons pas à constater que cette partie de l'Ouzbékistan est très peuplée et fortement urbanisée. L'activité y est intense et la circulation automobile particulièrement pénible.

La Fergana est une région très particulière, que sa situation géographique a, tantôt servie, tantôt desservie. Prospère et connue comme un pays de cocagne à l'époque du royaume gréco-bactrien, foyer du zoroastrisme puis du bouddhisme, totalement islamisée après les conquêtes arabes et turques, elle a toujours cultivé ses particularismes, malgré ou à cause des vicissitudes de l'histoire qui l'ont successivement partagée entre satrapies, royaumes, khanats...et républiques soviétiques.
Ces dernières entités, savamment découpées pour les rendre individuellement non viables, constituent aujourd’hui trois états indépendants : Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizstan. Les conflits de territoires sont donc nombreux, et les tensions entre communautés ouzbèke, kirghize et tadjike, qui cohabitent de part et d'autre des frontières, débouchent parfois sur des émeutes sanglantes, voire des massacres, comme le pogrom anti ouzbèke d'Och (Kirghizstan) en 2010.
Pour compliquer encore la situation, les différentes enclaves réparties à l'intérieur des trois états sont régulièrement l'occasion d'incidents frontaliers.
Les conflits entre la population et le pouvoir central sont également fréquents et ont conduit, côté ouzbek, à la répression féroce des manifestations de 2005.

La présence policière est donc très forte ici. Du col de Kamchik à Andijon nous avons dû nous enregistrer cinq fois fois à des postes de contrôle. Cela s'est toujours bien passé, mais c'est pesant. Garer le camion, sortir les passeports et le "car passeport", se présenter à un guichet et quelquefois y faire la queue, aider le préposé à transcrire sur son cahier d'écolier nos noms et prénoms, ainsi que l'immatriculation et le numéro de moteur de la carte grise, récupérer les papiers, regagner son véhicule, et repartir... jusqu'au prochain check-point 20 ou 30 kms plus loin.

Kokand

Nous n'avions pas l'intention de nous y arrêter mais nous y avons passé une excellente soirée. Tiresias garé devant ce que nous avons supposé être le théâtre ou une salle de concert et laissé à la vigilance de l'autoproclamé gardien des lieux, nous avons assisté à une fête très sympathique dans le parc qui entoure le palais du Khan. Concert nocturne en plein air, danses, spectacle de cirque avec funambules, trapèze, hercule de foire, clowns...
Nous réalisons alors que nous sommes à la veille de l'Aïd. C'est à peine si nous avions remarqué la période du ramadan, si peu respectée en Ouzbékistan. Depuis notre départ d'Iran, nous n'entendions plus l'appel à la prière ni ne voyions de fidèles aux abords des mosquées. Il semble que la rupture du jeûne soit tout de même considérée encore comme un jour de fête.
Kokand fut un temps capitale, et plusieurs monuments historiques en témoignent, dont le palais du Khan, immense quoique partiellement démoli par les Russes. Sa belle façade est mise en valeur par la vaste esplanade qui le sépare de l'artère principale.

Comme en Irań, nous sommes à nouveau l'objet de toutes les attentions.
En début de matinée, à la recherche d'un peu d'ombre, nous nous garons, sans nous en rendre compte, devant un dispensaire. Avant midi, la quasi-totalité du personnel d'entretien et des aides-soignant(e)s aura défilé pour visiter Tiresias. Les malades semblent toutefois ne pas avoir été autorisés à quitter leurs chambres.
Ailleurs, sur la route, nous nous arrêtons au bord d'un petit lac réservoir. Le camion qui nous suivait depuis quelque temps freine alors brusquement et s'arrête une dizaine de mètres devant nous. Un peu interloqués, nous voyons descendre le chauffeur. Il ouvre sa porte latérale, en sort deux melons qu'il vient nous offrir, et remonte dans son véhicule. A peine avons-nous eu le temps de le remercier.

Margilan :

Ceux qui s'intéressent à la mode ont certainement entendu parler de Margilan. La ville est un des centres les plus connus de l'industrie de la soie et plusieurs grands couturiers et designers s'approvisionnent ici.
Nous avons visité la fabrique Yodgorlik qui est à la fois la plus réputée et la plus traditionnelle. Par "traditionnelle", il faut entendre, non pas "ancienne" (l'usine date des années 1970), mais "ayant recours aux techniques traditionnelles". Le parcours guidé permet de découvrir toutes les étapes, du traitement initial des cocons au tissage et à la teinture des tissus. Tout se fait à la main et seules quelques centrifugeuses fonctionnent à l'électricité.


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La démonstration du travail fait partie de l'image de l'usine, résolument orientée vers le haut de gamme et tournée vers l'exportation. Les motifs, inspirés de la culture locale (fleurs, fruits, plantes stylisées, couleurs vives, symboles de vie et de fertilité) sont réalisés par des "maîtres" et présentés comme uniques. Chaque ouvrier est ici un artiste, un artisan ou, du moins, un expert. Faut-il donc préciser que la visite se termine par un passage à la boutique ?
Nul n'est pris en traître car Yodgorlik signifie "cadeau souvenir".



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Margilan est aussi connue dans toute la vallée pour son bazar du dimanche. Nous y sommes passés un jeudi. C'était déjà bien animé !

Andijon :

On ne visite pas Andijon. On s'y arrête pour une dernière nuit en Ouzbékistan avant le redouté passage de la frontière vers le Kirghizstan. Encore une fois, on consulte son visa, on compte ses devises, on vérifie la liste de ses médicaments, et on prie pour que la douane ne contrôle pas la série des enregistrements obligatoires qui est normalement à présenter en sortie...

La ville a pourtant une histoire, mais elle est si récente et si traumatisante que le sujet ne peut être abordé. C'est ici que le 13 mai 2005, la police et l'armée ont tiré sur la foule des manifestants. Le nombre des victimes reste, à ce jour, indéterminé (de 187 "terroristes islamistes" selon les autorités à "1500 personnes désarmées" selon l'opposition).
Aucun souvenir de tout cela n'est perceptible pour le visiteur de passage. L'atmosphère est, certes, un peu lourde, mais pas plus que dans n'importe quelle autre ville frontalière.

Passage de la frontière demain à la première heure. Rappel du record à battre : 4h30.
Rendez-vous au Kirghizstan.