Périégèses

(tours de mondes) Saison 2

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De Domar au Mont Kailash


De Domar à Shiquanhe (Ali)

Après avoir quitté Domar, nous traversons tout le xian de Rutog pour entrer dans la province de Ngari sans nous arrêter ailleurs qu'aux check points (nombreux) et aux sommets des cols, dont le Domar La et et Lame La.
Chaque passe est marquée par des drapeaux de prières, que nous avons toujours plaisir à retrouver.
Ces bannières sont une tradition principalement tibétaine, contrairement aux moulins, que l'on trouve aussi dans beaucoup d'autres pays bouddhistes.
Ils sont placés près des temples ou des monastères, au sommet d'un mont ou en tout autre endroit dont on souhaite marquer le caractère sacré. Mais c'est en haut des cols qu'ils sont les plus visibles, accompagnés en général d'une borne ou d'un panneau indiquant l'altitude atteinte. Ils sont constitués d'une enfilade de petits carrés de tissus attachés à une corde, elle même fixée à ses deux extrémités à un poteau, un rocher ou tout autre point d'ancrage.
Chaque petit carré de tissu comporte porte un symbole et des prières.
Il y a toujours plusieurs de ces rubans, qui s'enchevêtrent et s'entassent, dans un ensemble souvent assez brouillon. Peu importe l'esthétique. L'essentiel est qu'ils flottent au vent, qui se charge d'apporter les vœux des fidèles aux quatre coins du monde. Et tant mieux si les paroles s'emmêlent et les voeux s'entremêlent.

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Au cours de cette belle journée, magnifiquement ensoleillée, nous longeons plusieurs petits lacs, au bords desquels, tout fiers, nous apercevons enfin des oies à tête barrée, dont nos amis d'Around the Rock nous disent qu'il s'agit de la seule espèce migratrice capable de franchir l'Himalaya.
Sans turbo, les oiseaux, chapeau !
Un peu plus loin, nous atteignons le lac Nangong Cuo, que nous longeons longuement sur la rive sud. Nous sommes toujours dans une zone frontalière, puisque le plan d'eau se prolonge très loin à l'Ouest, dans le Cachemire, mais tout est fait pour donner à ces parages l'allure d'une zone touristique. Des aires de stationnement aménagées en surplomb et des panneaux explicatifs nous retiennent un moment, en attendant l'arrivée des retardataires pris par la frénésie photographique.

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En fin de journée, après une longue et ultime descente, nous arrivons à Shiqanhe.

Shiqanhe (Ali)

Comme beaucoup de localités du Tibet, Shiqanghe est connue sous deux autres noms, au moins : Gar (Ngari ?) et surtout Ali, le plus couramment employé aujourd'hui.
C'est la première vraie petite ville que nous rencontrons depuis notre départ de Yecheng. Sur ce plateau sans vrai village, sans terre cultivée, et même sans vie pastotrale visible, c'est une oasis commerciale dans laquelle on trouve toutes sortes de boutiques qui font le bonheur du voyageur, et même des établissements dotés du Wifi.
Il s'agit d'un centre de peuplement récent témoignant de la volonté colonisatrice de Pékin. Tous les bâtiments semblent fraîchement construits et la population transplantée ici est presque entièrement han. Les Chinois tiennent tous les magasins, les administrations, l'hôtellerie et la restauration.
Les Tibétains minoritaires que l'on croise dans les rues viennent probablement de la campagne environnante. Dans leurs vêtements délavés, souvent dépenaillés, coiffés d'un ample chapeau déformé, ils ont l'allure noble des rois mendiants de la tragédie grecque, comme égarés entre ces façades aux néons factices, étrangers dans leur propre pays.

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L'hôtel sur le parking duquel nous nous installons est un de ces nouveaux établissements que l'on trouve partout en Chine, de Canton à Pékin, dont l'extérieur donne la brève illusion d'un quatre étoiles et dont le hall trop vaste, où les pas sonnent creux sur le carrelage froid, conduit le voyageur, au bout d'un chemin aussi long que cette phrase, jusqu'à un comptoir derrière lequel il trouve invariablement la traditionnelle collection d'horloges indiquant l'heure qu'il est dans la plupart des capitales du monde mais aucun réceptionniste ne possédant la moindre notion d'une quelconque langue étrangère.
Ouf ! Si l'on en doutait, nous sommes bien en Chine.
Depuis notre arrivée, nous tentons en vain de nous procurer une carte sim, qui nous permettrait de rester en contact et de nous connecter à Internet, comme nous l'avons toujours fait depuis notre départ de France, dans tous les pays que nous avons traversés. Nos tentatives individuelles ont été jusqu'ici infructueuses, faute de papiers d'identité chinois. Nous nous en remettons à notre guide, qui réussit à nous obtenir la précieuse puce.
La chose était impossible à Kashgar mais négociable au Tibet.
Impossible aussi de tirer de l'argent au distribanque. Certains d'entre nous commencent à manquer de liquidités. L'agence Greatway, contactée, accepte de leur faire une avance qui sera versée sur le compte du guide.
Indispensable Dhargye !

Le mont Kailash :

Dhargye nous ayant convaincu de faire l'impasse sur la visite de la "Earth forest", qui nous aurait obligés à un détour important sur une route de piètre qualité, nous restons sur la G 219.
Sur notre droite, le panorama est extraordinaire. Nous roulons sur le plat, à plus de 4500 mètres et, sous un ciel définitivement bleu, nous longeons, au sud, la partie occidentale de la chaine de l'Himalaya, dont les sommets nous dépassent encore de plus de 3000 mètres.
Et voici que sur notre gauche, à l'opposé, apparaît un curieux pic, seul, différent, géométrique, pas naturel. C'est le Mont Kailash. Rien moins que l' "axe du monde" ! Dire que nous y arrivons aujourd'hui par une route goudronnée, alors que, pendant deux millénaires, il n'a été considéré que comme une figure mythologique, aussi inatteignable que l'Olympe des Grecs et à l'existence aussi improbable que l' Atlantide, Ogygie ou l'Eldorado.
Pourtant le mont Meru des textes sanskrits existe. Certes, malgré sa majesté, il fait un tout petit moins que 80.000 lieues de haut et ses quatre versants ne sont pas revêtus de pierres précieuses et d'or.
Qu'importe ! Le Kailash est bien un mont sacré. Demeure de Shiva pour les Hindouistes et du Bouddha de la compassion pour les Bouddhistes, il est aussi vénéré par les Bön Po et les Jaïns. Pour le voyageur, c'est un de ces "lieux où souffle l'esprit".
Pensez-donc. Nous sommes à 5000 mètres, au pied d'une pyramide à quatre faces, véritable stupa minéral qui culmine à 6100 mètres. De chacune de ces falaises abruptes, jaillissent quatre sources qui donnent naissance, excusez du peu, à quatre rivières ou fleuves majeurs d'Asie, dont le Brahmapoutre à l'est et l'Indus au nord. Sur la face sud, on peut voir une grande faille qui, avec un peu d'imagination, prend l'aspect d'une swastika.
Le sommet, coiffé d'une couronne de neige, reste inviolé, non que gravir les pentes soit impossible, mais en raison d'un tabou. L'expédition espagnole qui, en 2001, avait obtenu du gouvernement chinois le permis nécessaire à la première ascension, a dû y renoncer devant l'indignation et la pression populaires.

Le pélerinage consiste à faire le tour de la montagne. Cette circambulation rituelle, appelée "kora", se pratique normalement dans le sens des aiguilles d'une montre, sauf pour les Bön, qui tournent dans le sens opposé. Les Bön sont Tibétains mais n'entrent dans aucune des catégories ci-dessus. Leurs croyances sont antérieures à l'arrivée du Bouddhisme et, s'ils en ont adopté les préceptes, leurs rituels présentent encore des aspects chamaniques.

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Nous avons élu domicile à Darchen, petit bourg situé au sud, à courte distance de la G 219, entièrement dédié aux préparatifs de la kora. Hôtels, guest houses, restaurants et boutiques de souvenirs constituent les activités principales. Mais, peut-être parce que nous sommes en fin de saison, rien ne nous parait tellement insupportable et, avant la randonnée prévue du lendemain, nous prenons plaisir à nous promener dans l'unique rue du village.
Ici, au moins, nous sommes en pays tibétain ! De part et d'autre de la chaussée, des hommes jouent au billard en plein air. Un peu plus loin, un groupe, assis dans la poussière, s'affronte autour d'une sorte de jeu de go, et la façon que chacun a de jeter les dés, avec un geste ample accompagné d'un petit cri, est très particulière.
Nous croisons plusieurs béliers qui ont l'air de flâner tranquillement et librement dans les rues. Celui-ci se tient sur les talons d'un passant, tel un chien fidèle. Mais lequel des deux est le maître ? On peut avoir un doute tant l'animal semble fier et respecté.
Les gens d'ici ressemblent à ceux de l'Altiplano péruvien et bolivien, avec leurs vêtements de laine, leurs tissus colorés, leurs chapeaux ou leurs bonnets à rabats. Leur teint, leurs traits mêmes semblent quichuas ou aymaras et cet homme grand, fort et droit, avec son visage impénétrable et son regard énigmatique, a l'air d'un chamane ou d'un chef indien.
Il ne manque que les lamas (même pas, en fait !)

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Le lendemain matin , après avoir acquitté un droit d'entrée assez élevé, nous entamons le tour de la montagne.
Xavier et Charlotte nous conduisent le plus loin possible avec leur truck jaune, puis nous voilà partis pour la marche !
Au sommet d'un petit promontoire, nous découvrons d'abord un "cimetière". Les Tibétains ne creusent pas de tombe. Les corps sont déposés en pleine nature, les oiseaux de proie se chargeant de nettoyer ce qui pourrait rester de l'incinération, souvent partielle. Indépendamment du fait que rien n'est fait pour commémorer le souvenir du défunt, ce n'est pas très beau à voir. On dirait une décharge sauvage. Des vêtements, des outils, des objets de toilette sont éparpillés le sol, comme jetés négligemment à terre. Par ci par là quelques ossements noircis, un crâne, un tibia, une mâchoire, jonchent le sol. Seuls éléments religieux dans le paysage, quelques stèles et drapeaux de prière qui flottent non loin de là.
De quoi rendre perplexe. Notre guide nous dira plus tard, quand nous nous connaîtrons mieux, que les Tibétains ne s'attachent pas au souvenir des morts. Au contraire, effacer le plus vite possible la trace, matérielle ou spirituelle, de toute vie antérieure est la meilleure garantie d'une prochaine réincarnation.

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De ce petit promontoire, on aperçoit vers l’ouest le monastère de Chiuku, assez haut perché, de l'autre côté de la rivière. Nous redescendons et passons un petit pont.
Pour atteindre l'ensemble monastique, il faut franchir la rivière par un petit pont, puis escalader de nouveau une pente assez raide. A plus de 5000 mètres, à demi asphyxiés, nous devons nous arrêter tous les vingt ou trente pas pour reprendre haleine.
Le site n'est occupé que par deux ou trois moines, à l'allure d'ermites, membres de la "secte" des "bonnets noirs", qui est précisément celle de Dhargye. Particulièrement loquace sur ce sujet, celui-ci nous fournit quelques explications sur les différentes écoles et les couleurs qui les caractérisent. Les plus connus sont les bonnets rouges et les bonnets jaunes (auxquels appartient le Dalaï lama). Ces sectes, écoles, bonnets, ont leurs maîtres, leurs pratiques et leurs interprétations du bouddhisme mais ne rivalisent ni ne s'excluent mutuellement. De son exil au Népal, le Dalaï Lama a fait savoir qu'il les reconnaissait toutes à égalité.
Du monastère, le point de vue sur le mont Kailash est absolument extraordinaire. Nous voyons la face Ouest et devinons l'arête marquant le début de la face Nord. En face, au milieu de la falaise à pic, on aperçoit un ermitage creusé dans la roche. En contrebas, le long de la rivière, des files de pélerins, petites taches de couleur vives sur le chemin, poursuivent d'un bon pas leur kora.

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Les pélerins les plus vaillants peuvent faire le tour de la monatgne dans la journée mais la plupart effectuent le parcours en deux étapes, dans un sens ou dans l'autre, selon leur religion. Quelques ermitages permettent de faire halte pour la nuit.
Nous avons l'intention de nous montrer très oecuméniques, car, dans les délais impartis, nous ne pourrons faire qu'un aller-retour. Jusqu'où aurons-nous le courage et, surtout, le souffle nécessaire pour marcher ? A une altitude raisonnable, ce serait facile, car le chemin, est relativement plat au début, mais, à plus de 5000 mètres, la moindre petite escalade est épuisante. Finalement, nous poursuivrons assez loin pour arrriver au premier point de prosternation (il en a un sur chaque face) et apercevoir le début de la face suivante du mont sacré. Sur le sentier,de nombreuses haltes nous donnent l'occasion de rencontrer des pélerins.
Ils cheminent par groupes de quatre ou cinq personnes, hommes et femmes. Avec leur besace et leur bâton, ils ont l'allure de tous les pélerins du monde et de toutes religions. Ils peuvent venir de très loin. Pour beaucoup, ce pélerinage est le but d'une vie, un moyen d'effacer leur mauvais karma et de se rapprocher d'une meilleure réincarnation. Ils sont contents de nous voir. C'est réciproque et, même si la conversation est plus que limitée, ainsi haut perchés au pied de la montagne "inspirée", nous avons l'impression de partager quelque chose avec eux.

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Le lac Manasarovar

A quelques kilomètres de la montagne sacrée, à la même altitude, se trouve un lac tout aussi vénéré: le Manasarovar, "lac de l'esprit".
Les Hindous s'y baignent, comme sur les Ghats du Gange, alors que les Bouddhistes l'honorent en en faisant le tour.
Le monastère de Chiu, au sommet d'une petite colline, offre une vue panoramique sur ce lac et un deuxième, plus petit, le Llanag tso, qui communique avec lui par un étroit canal.
L'excursion a été courte, mais comme nous l'avons effectuée dans le même véhicule que les experts d'Around The Rock, elle nous a donné l'occasion de reconnaître des animaux sauvages. Les blue sheeps, gazelles et ânes sauvages qui vivent dans ces contrées ne sont pas chassés et se laissent approcher d'assez près.
Le blue sheep, ou bahral, assez proche de l'isard pyrénéen ou du chamois alpin, est ainsi nommé en raison de la couleur gris-bleutée de son pelage. Les mâles arborent des cornes impressionnantes.
Les gazelles à goitres, typiques de l'Asie centrale et surtout de Mongolie, sont assez semblables (pour le non connaisseur !) à celles d'Afrique. Elles ont la même silhouette gracile et légère, le même port de tête élégant et inquiet, la même capacité à détaler en bondissant sur leurs quatre pattes. Leur poil est d'un marron très clair, tirant sur le blanc. Les femelles sont totalement dépourvues de cornes.
Les ânes sauvages se distinguent de l'espèce domestique par leur taille et leur corpulence. Ils sont plus grands, trapus, leurs pattes sont plus épaisses. Les mâles comme les femelles sont dépourvus de bât, de corde et de piquet.
Tout ce petit monde se laisse gentiment photographier et ne prend le galop que si l'un de nous s’approche trop près. C'est alors l'occasion pour les spécialistes de réaliser une belle vidéo.


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