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Catégorie voyage Elista

(Billet du 30 juillet 2014) :

D'Astrakhan à Elista, il n'y a rien, et la route fait maintenant penser à une traversée du Sud Algérien ou de l'Arizona américain. Une fois qu'on a monté les 6 vitesses du camion, calé le moteur sur 2500 tours et qu'on s'est lassé de compter les kilomètres et les quelques moutons qui s'échinent à brouter une herbe rare, il ne reste plus grand chose d'autre à faire que laisser son regard s'abîmer dans l'étendue de la steppe, et consacrer le temps qui reste à la contemplation de son paysage intérieur.
Les panneaux indiquant les "aires de repos" et figurant un petit sapin et une table de pique-nique (les mêmes depuis Mourmansk !) font pitié. Les dites" aires" aussi, d'ailleurs, sur lesquelles on est bien content de trouver un petit "Kafe", souvent une simple cabane dans laquelle on peut se restaurer et/ou se rafraîchir pour trois fois (encore et toujours) rien.
Cette steppe, c'est le territoire de la République Kalmouke. Les Kalmouks, aujourd’hui sédentarisés, sont à l'origine des pasteurs nomades. Arrivés de Mongolie au XVII° siècle, chose surprenante, ils semblent avoir amené avec eux, non seulement leurs troupeaux, mais aussi le paysage de leur terre de départ. C'est peut-etre pour cela que les tsars ont accepté leur migration tardive et les ont laissés peupler ces espaces peu hospitaliers et quasi désertiques dont personne n'avait voulu avant eux. C'est la dernière vague mongole, mais il s'agit, cette fois, d'une installation pacifique. En effet, les Kalmouks sont bouddhistes et, au cours de leur histoire, ont subi bien plus d'exactions qu'ils n'en ont infligées.
Quand on entre à Elista, après 200 km de quasi désert vers l'Ouest, on arrive donc... en Orient, quelque part entre Oulan Bator et le Tibet. La ville est ethniquement très homogène. On y croise peu de Russes et la plupart des habitants sont de type mongol. Le visiteur ne peut pas manquer l'immense temple, occupant un espace qui serait, ailleurs, consacré à une cathédrale orthodoxe. Tout le décorum habituel du culte bouddhiste est bien présent, avec les multiples statues de Bouddha, les moulins à prières, les bâtonnets d'encens etc.
C'est que les Kalmouks cultivent leur identité avec d'autant plus de volonté qu'ils ont failli être exterminés à plusieurs reprises. Les habitants actuels sont les descendants des rescapés de la déportation collective de 1945 en Sibérie, que Staline leur avait infligée, à l'instar des Tatars de Crimée, pour les punir de leur collaboration avec l'armée allemande en route vers Stalingrad.
On n'est donc pas surpris de voir les cérémonies de mariages se dérouler autour du temple, ni de tomber sur un stupa en plein centre ville, encore moins de trouver un peu partout des portraits du Dalaïlama, qui est venu ici à plusieurs reprises, dont une fois pour la pose de la première pierre du temple et une autre pour son inauguration. On reste plus perplexe devant le toit des abribus, en forme de pagode, qui tiennent davantage du décor de cinéma ou de parc d'attraction. Étrange...
Curieusement, le monument du souvenir consacré à la déportation de 1945 semble peu honoré. A l'écart du centre, il nous a paru délaissé et nous avons eu des difficultés à nous le faire indiquer. Quant à la rue Krouchev qui y mène, personne ne la connaît. Elle porte pourtant le nom de celui qui a autorisé le retour en 1956.
Beaucoup plus facile à trouver est la"chess city", née de la volonté d'Ilioumjinov, oligarque local passionné, président de la FIDE, qui a voulu faire de sa ville la capitale mondiale des échecs. Ce grand complexe un peu délirant est entièrement dédié à ce sport, avec grand parking, hôtel, halls d'expositions, salons de réception, auditorium, salles de cours, et, bien sûr, tables de jeux.
Tout est prévu pour accueillir le monde entier. Cependant, nous avons trouvé ces lieux déserts. Pas le moindre pousseur de pion, adepte de l'ouverture espagnole ou du coup du berger. Nous n'avons vu que des gardiens et des vendeuses de souvenirs, tous charmants et visiblement ravis de rencontrer leurs clients du jour. A part eux, pas âme qui joue.
Une heure plus tard, nantis de quelques colifichets et délestés de quelques roubles, nous quittons cette diagonale du fou pour la ligne droite du Caucase.
Direction Stavropol.