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Catégorie voyage Episode tolstoïen

(Billet du 23 juillet 2014) :

De Sergiev Posad, nous avons filé directement à Tula en contournant Moscou par le périphérique le plus intérieur (il y en a trois), aussi encombré que son homologue parisien. Pendant ce voyage, nous ne arrêtons ni à Saint Pétersbourg ni à Moscou, que nous connaissons déjà.
Nous avons passé deux jours (et dormi trois nuits) à Yasnaia Poliana, la propriété où Tolstoï a passé 60 ans de sa vie et écrit la plupart de ses œuvres, dont Guerre et Paix et Anna Karénine.
Dès la mort de celui que les Russes considèrent comme leur plus grand auteur et, peut-être, leur plus grand homme, Yasnaia Poliana est devenu un musée, que le régime du tsar a toléré et que les bolcheviks ont ensuite encouragé. C'est aujourd'hui un centre de rassemblement et de congrès pour tous les Tolstoïens (disciples, épigones, biographes, traducteurs, exégètes, adaptateurs, chercheurs...) du monde entier, un but de promenade pour les Russes du voisinage, un lieu de pèlerinage et de recueillement pour tous ceux et celles qui, sont fascinés par la personnalité et la destinée de l'homme et de l'écrivain, et un site passionnant à visiter pour les lecteurs qui gardent, quelque part en eux, l'empreinte de la littérature russe reçue dans leurs jeunes années.
Pour tous, sans doute, le même charme opère. Quand on se promène pendant des heures dans cette immense propriété, le long des allées du parc, en forêt sur les sentiers , en lisière ou à travers champs, on met ses pas dans les pas de Tolstoï (ou de son cheval...)
Pour tous aussi, l'impression doit être la même au moment de franchir le seuil de la maison. On entre directement dans le petit salon-bibliothèque, où rien, absolument rien, n'a changé depuis la nuit où Tolstoï a passé une dernière fois cette porte, et on est saisi d'émotion. Voici qu'on entre chez Tolstoï, on est chez Tolstoï, comme on ne l'est jamais dans aucune autre maison-musée d'écrivain. Le temps s'est arrêté la nuit de son départ. On s'attend à le voir descendre l'escalier, à entendre sa voix tonitruer depuis son bureau. Indicible présence.
Le deuxième jour, après la visite, notre guide nous conduit à la gare voisine. On peut y acheter des cartes postales estampillées et tamponnées Yasnaia Poliana. C'est dans cette gare qu'on a ramené son cercueil pour le ramener chez-lui, mais ce n'est pas là que Tolstoï est mort, ni même qu'il a pris le train quand il est parti secrètement de chez-lui, en pleine nuit de novembre 1910, pour se rendre on ne sait trop où, probablement dans le Caucase. Il est mort dans la gare de la ville d'Astapovo (aujourd'hui rebaptisée Lev Tolstoï), non dans un wagon, comme on le dit parfois, mais dans la chambre du chef de station, des suites d'un refroidissement contracté pendant le trajet. Pour ne pas être reconnu, il avait, paraît-il, voyagé en troisième classe, dans un compartiment pour fumeurs aux fenêtres ouvertes.
Nous sommes allés à Astapovo, qui se trouve à environ 150 kms au sud de Tula. Nous avons dormi près des voies. Sur le quai, depuis plus de 100 ans, l'horloge marque toujours 6h05 du matin. La maison du chef de gare se visite. C'est même un musée très intéressant. La partie la plus émouvante est, bien sûr, la chambre. Rien n'a été déplacé depuis le 20 novembre 1910. Le lit est toujours là, contre le mur. Sur la tapisserie, peu après 6 heures, quelqu'un a tracé le profil de Tolstoï.
La nouvelle a secoué toute la Russie et, malgré les efforts de la police tsariste, qui craignait que les obsèques ne se transforment en manifestation politique, des foules immenses et ferventes ont convergé vers Yasnaia Poliana.

La tombe ne comporte ni signe religieux , ni inscription, ni même dalle. C'est un simple tumulus enherbé, entre quelques arbres.